Neuralink, une révolution ou une évolution technologique ?

Neuralink, est-ce une révolution ou une évolution technologique ? C'est une question que je me la suis posée dès que j'ai vu le prototype sortir...

Introduction

Cet article n’a pas pour objectif de critiquer Elon Musk, mais plutôt de replacer certains éléments dans leur contexte. Neuralink n’a rien de révolutionnaire hormis peut-être dans son approche d’être connecté à la technologie et encore ce point n’est pas novateur.

Quand j’ai vu, pour la première fois, les prototypes de Neuralink, je n’ai pas pu m’empêcher de voir des similitudes avec l’implant cochléaire dont je suis appareillée depuis 30 ans.

C’est en tant que sourde implantée travaillant dans la tech que je rédige cet article.

Qu’est ce qu’un implant cochléaire ?

Le schéma de l'oreille interne est expliqué juste après

© Schéma réalisé par C. Rimbert, trouvé sur le site de l’Hôpital La Pitié-Salpêtrière

“L’implant cochléaire est un dispositif de réhabilitation auditive semi-implantable. Il est composé d’un processeur externe comportant les microphones, la partie électronique avec le compartiment pour les batteries rechargeables ou les piles et une antenne qui transmet le signal au composant électronique interne. L’antenne et le composant électronique interne sont maintenus en contact à travers la peau grâce à un système avec deux aimants. Le composant électronique interne est formé d’un boîtier situé sous la peau, prolongé par un porte-électrode enroulé dans la cochlée. Il existe deux types de processeurs :

  • le processeur contour d’oreille qui a une antenne indépendante ;
  • le processeur bouton qui est un système compact comportant l’ensemble des composants du processeur.

Le principe de l’implant cochléaire est de transformer le signal sonore, capté par les microphones externes, en un signal numérique transmis par le porte-électrode aux neurones du nerf auditif. En fonction des fréquences du son, la zone de stimulation se situe à la base (fréquences aiguës) ou au sommet (fréquences graves) de la cochlée. Le traitement du signal par l’implant cochléaire est suffisant pour une compréhension correcte de la parole dans le silence dans la majorité des cas. Cependant, la diffusion du courant électrique autour de chaque électrode ne permet pas une analyse fine du signal, avec une compréhension en situation bruyante et pour l’écoute de la musique qui peuvent rester difficiles chez certains patients.” 1

L’implant cochléaire a été inventé vers les années 1970 quand quatre pays (La France, Les Etats-Unis, l’Autriche et l’Australie) faisaient la course pour le mettre en point. Tout son épopée est raconté dans le magazine Audiologie Demain. La toute première implantation d’un système multi-électrodes a été réalisée par le Pr Claude-Henri Chouard, ancien chef du service ORL de l’hôpital Saint-Antoine à Paris, assisté du Pr Bernard Meyer, en 1976. Il y a presque 50 ans.

Selon ce même article, l’implant cochléaire a mis 20 ans à se perfectionner. 20 ans !

Pour avoir un implant cochléaire, il faut subir une opération chirurgicale. J’ai été implantée, pour la première fois, sur mon oreille gauche, en 1996 à l’âge de 8 ans et demi. Les implantations commençaient tout juste à se généraliser depuis quelques années. 30 ans plus tard, la partie interne de mon implant cochléaire fonctionne toujours. En 30 ans, j’ai vu évoluer la partie externe. J’ai connu 5 processeurs différents de Cochlear 2, l’entreprise australienne.

A chaque fois, le processeur a évolué.

Mon premier processeur était un gros boîtier rectangulaire avec un long fil jusqu’au contour d’oreille avec une antenne. Je l’ai porté pendant des années. Inutile de vous dire qu’à chaque fois que je grandissais, le fil devenait trop petit.

Un boîter rectangulaire avec un long fil jusqu'au contour d'oreille avec une antenne.

Mon premier processeur

Quand j’ai reçu mon deuxième processeur, ça a été une libération. Fini le gros boîtier avec le fil trop petit. J’avais juste le contour autour de mon oreille. Une sacré prouesse technologique.

Puis, je suis passée au troisième. La transition a été compliquée. Visuellement, ça avait un peu changé mais les programmations (ou plutôt les algorithmes) sur les électrodes étaient beaucoup plus évoluées. On entendait de mieux en mieux et les réglages étaient de plus en plus pointus. Mais passer du 2ème au 3ème processeur externe n’a pas été simple dans le sens où la mise à jour du système et la compatibilité avec la partie interne via le logiciel n’ont pas très bien fonctionné. Les réglages habituels faits par mon audioprothésiste sur mes électrodes ont été perdus. Du coup, il fallait tout recommencer, j’avais dû ré-apprivoiser les sons, ré-apprendre à reconnaître les voix de mes parents et de ma sœur.

Avec le quatrième, l’esthétique du processeur externe a évolué, devenant plus beau et plus discret. Comme j’ai les cheveux châtains, avec la couleur marron de mon contour d’oreille, cela passait totalement inaperçu. Il y avait une nouveauté en plus : j’avais un accessoire qui me permettait de faire la connexion entre mon processeur et mon IPod. Cet accessoire, qui ressemblait à une petite télécommande, permettait de faire passer la musique de mon IPod à mon implant.

Slide 22 ans d'implant cochléaire à gauche

Extrait de ma toute première conférence Les objets connectés liés à la santé portent-ils atteinte à la vie privée ? en 2018 à Paris Web.

Titre : 22 ans d’implant cochléaire Slide illustré avec 5 photos. La première qui montre l’aimant avec un filament d’électrodes. La deuxième photo est un boîtier de processeur externe en format rectangulaire avec un long fil jusqu’au contour d’oreille et une antenne. La troisième photo est un implant sans boîtier, il y a que le contour d’oreille avec l’aimant. La quatrième photo voit l’implant un peu plus long et fin. Comme accessoire, un câble audio qui permet de connecter l’implant au walkman comme un casque. Et le dernier, l’esthétique de l’implant change un peu et avec cette nouvelle génération, d’autres accessoires apparaissent dont la possibilité de le mettre en waterproof avec un équipement spécifique, une télécommande pour paramétrer l’implant et une mini-mic pour coupler l’implant à l’IPod et aux smartphones de l’époque.

Et enfin le 5ème, celui que j’ai actuellement. L’esthétique n’a pas changé. Mais, je peux me passer de l’accessoire que j’avais. En effet, mon nouveau processeur se dote de la technologie Bluetooth ! Je peux écouter de la musique directement depuis mon téléphone en Bluetooth. Mes deux implants cochléaires (j’ai implantée la deuxième oreille en 2007) deviennent littéralement des AirPods. Je peux aussi, via l’application sur mon IPhone, choisir la balance entre les sons, paramétrer les volumes, mettre les programmes anti-bruits, localiser mes implants si je les perds, voir l’état des batteries, etc. Je deviens plus connectée que jamais !

En 30 ans, je suis passée de l’analogique au numérique en passant par la connectivité sans fil. La frontière entre l’humain et la machine n’a jamais été floue.3 4

J’ai pris la décision d’implanter l’autre oreille car, depuis des années, je n’entendais que par une seule oreille. Avant ma chute d’audition, j’avais une prothèse classique. A l’époque, implanter une deuxième oreille ne se faisait pas. Puis, avec la recherche et le temps passé, les études ont montré qu’avec une deuxième oreille, les résultats étaient meilleurs. Après avoir discuté avec les personnes qui avaient deux implants, j'ai pris cette décision et je ne le regrette pas. Ça m'a permis d’avoir une meilleure stéréo, un meilleur équilibre entre les sons. Le fameux « sourround », un jeu de mot entre sourd et surround.

J’ai pris aussi cette décision car la partie interne, après 30 ans d’utilisation, peut tomber un jour en panne. Certes, elle est censée durer indéfiniment mais on ne sait jamais. Aussi, un jour Cochlear arrêtera de rendre les nouveaux processeurs externes compatibles à la partie interne. Cela devient compliqué de gérer toutes les compatibilités entre les différentes générations d’implants cochléaires. Ce n’est pas pour rien que certaines entreprises décident parfois d’arrêter de faire les mises à jour comme, par exemple, Microsoft qui prend la décision d’arrêter de produire les mises à jour pour Windows 10. Qui possède encore Windows 10 ? 5 Qui possède les IPhones 5s ? Qui, encore, chez les personnes sourdes implantées, possède la génération Spectra 22 (ma génération) ? Nous devenons une minorité de personnes qui utilise les anciennes technologies.

Bien sûr, cela suscite des interrogations sur le plan éthique et moral. Je connais des personnes sourdes qui ne peuvent pas avoir de nouveaux processeurs des autres marques car celles-ci ont arrêté d’en produire ou ont fait faillite. Pour avoir un nouveau processeur à jour et moderne, il faut tout recommencer et donc subir une nouvelle opération chirurgicale pour mettre un nouvel aimant.

Une opération chirurgicale qui n’est pas du tout anodine. A l’époque, c’était une opération lourde. Aujourd’hui, c’est une opération qui peut se faire en ambulatoire. Les techniques d’opérations ont évolué en plusieurs décennies. En 2019, pour la première fois, la pose de l’implant cochléaire en bloc opératoire a été réalisée à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière avec une assistance robotisée, RobOtol ®.

Soyons bien clairs, l’implant cochléaire ne rend pas la personne entendante, il ne restaure pas l’audition. Les sons ne sont pas naturels, ils sont métalliques. Ces sons sont programmables par l’audioprothésiste qui paramètre les fréquences, de sorte qu’on puisse bien entendre. Mais il y a une différence entre entendre et comprendre. Il faut tout une rééducation auditive à faire en orthophonie pour apprendre à entendre et à reconnaître les sons. Cela ne se fait pas en claquant les doigts. J’ai fait 20 ans d’orthophonie pour apprendre à bien entendre avec mes appareils auditifs et plus tard avec mon implant cochléaire. En 2007, j’ai refait un an d’orthophonie pour apprivoiser cette nouvelle oreille bionique. Enfin, « oreille », c’est vite dit. Les sons passent par mes deux antennes qui sont derrière les oreilles un peu en hauteur, on peut dire que j’entends par la tête comme vous pouvez le constater sur cette photo.

Mon portrait avec mon implant cochléaire

Mon portrait avec mon implant cochléaire

Je suis de profil. Mes cheveux châtains sont longs jusqu’aux épaules. Je suis souriante et j’ai des lunettes. On voit mon implant cochléaire dont le contour est posé sur l’oreille avec un fil qui relie jusqu’à l’antenne collé sur les cheveux un peu en hauteur.

Et l’oreille bionique évolue encore et encore. J’ai des amis qui ont déjà la prochaine génération de processeurs. Ces nouveaux processeurs sont dépourvus de contour d’oreille. On a juste l’antenne posée sur l’aimant. Personnellement, quand j’ai vu ce nouveau processeur, j’ai un peu peur de le perdre parce que j’ai des cheveux longs et épais. Mais heureusement, on a le choix de garder le contour ou non. Il est vrai que pour certaines personnes, c’est plus pratique grâce aux cheveux courts. Mon ami Thomas m’a dit que parfois on le regarde avec curiosité ou étonnement en voyant cet objet bizarre posé sur sa tête.

La dernière génération actuelle de l'implant cochléaire

La dernière génération actuelle de l'implant cochléaire

On voit la tête d’un homme de dos. Il a les cheveux très courts et on voit nettement le processeur de forme ovale et beige posé sur ses cheveux en hauteur près de l’oreille droite

Il a fallu des décennies de recherche pour arriver à ces résultats qu’on voit sur les photos et les recherches continuent encore aujourd’hui pour perfectionner encore plus cette technologie. Bien sûr, il y a eu des loupés et des échecs. Bien sûr, il y a des personnes pour qui l’implant cochléaire n’a pas fonctionné. Bien sûr, il y a eu des pannes électroniques à l’intérieur et il a fallu explanter et ré-implanter. Tout n’est pas rose. Il y a aussi des personnes qui sont totalement contre l’implant cochléaire, mais ceci est un autre débat.

Alors, quand j’ai vu les prototypes de Neuralink, j’ai vu énormément de ressemblances avec la technologie que j’ai actuellement. Elon Musk n’a rien inventé. C’est une technologie qui existe depuis les années 1970.

En 2016, Elon Musk cofonde Neuralink, une start-up spécialisée en neurotechnologie et transhumanisme, dans le but de développer des implants cérébraux d'interfaces neuronales à l’aide de l’intelligence artificielle.

En 2019, de nombreux articles sur Neuralink paraissent avec ce schéma.

© Schéma venant du site InceptiveMind (EN)

A gauche, un schéma avec une tête montrant une puce cérébrale sous la peau près de l’oreille avec des filaments comportant des électrodes jusqu’en haut de la tête. En extérieur, un petit processeur qui se cale sur la puce aimantée. A droite, on voit une femme avec un petit processeur externe rectangulaire blanc posé derrière l’oreille.

Ce schéma ne vous rappelle pas quelque chose ? Il ressemble étrangement au schéma de l’implant cochléaire et aux photos que je vous montre plus haut. Le placement des électrodes n’est évidemment pas le même mais la ressemblance est quand même troublante.

Je cite ce passage extrait de l'article paru sur Audio Infos 365 : “Le premier prototype de Neuralink se portait derrière l’oreille, comme une aide auditive, mais la dernière version, grande comme une pièce de monnaie, est greffée sur le crâne et dissimulée dans les cheveux. (...) Ce fonctionnement et son installation ne sont pas sans rappeler celui des implants cochléaires, insérés dans la cochlée pour stimuler le nerf auditif.”

Il est difficile de trouver d’autres sources. Mais, clairement, Neuralink s’inspire des recherches et des technologies sous-jacentes à l’implant cochléaire, bien que les objectifs soient complètement différents.

Quand je lis dans les médias non spécialisés s’enthousiasmer sur Neuralink, ça me fait lever les yeux vers le ciel car ils ne sont pas forcément au courant que ces techniques existent, en fait, depuis des décennies.

D’ailleurs, il n’y a pas que Neuralink. D’autres implants ont vu le jour ces dernières années :

J’ai également lu qu’il y a des recherches depuis des années pour permettre aux personnes de remarcher grâce aux implants cérébraux. Il y a même eu Brandy Ellis qui s’est fait implanté d’un implant cérébral pour traiter sa dépression en 2011.

Je n’oublie pas les pacemakers qui sont considérés comme des implants cardiaques. Un pacemaker est un implant médical qu’on met près du cœur (myocarde) pour réguler le rythme cardiaque. Les pacemakers sont aujourd’hui très courants. Les premiers pacemakers sont apparus dans les années 1960.

J’en conclus que, grâce à l’implant cochléaire (et bien sûr grâce aussi au pacemaker), d’autres implants ont vu le jour. Si l’implant cochléaire n’avait pas existé, ces implants n’auraient pas existé. Neuralink n’aurait pas existé. Parce qu’on a vu que l’implant cochléaire fonctionnait qu’on a pu envisager d’autres possibilités. Grâce à ces 50 ans de recherche.

En effet, les implants ont nécessité des décennies de recherche avant d’être perfectionnés et de réussir à les faire fonctionner sur des personnes. Ce n’est pas en claquant les doigts que les implants fonctionnent. D’ailleurs, cela ne m'a pas étonnée quand j’ai appris que Neuralink n’a pas marché pour la première personne bénéficiaire qui a vu les fils se rompre. 6 Il faudra du temps pour que cette technologie réussisse.

Apparemment, selon cet article The Sound of Tommorrow: Exploring the Possibilities of Cochlear and Neuralink's Collaboration (EN), Cochlear (l’entreprise de mon implant cochléaire) et Neuralink envisageraient une collaboration pour améliorer leurs technologies respectives.

Ce n’est pas la première fois que Cochlear envisagerait un tel partenariat. Depuis quelques années, il existe un énorme partenariat entre Apple et Cochlear de sorte que les implants cochléaires soient compatibles avec les technologies Apple. Suite à leur collaboration est né le Nucleus 7, labellisé “Made for IPhone”. Le fait qu’il y ait ce partenariat est un coup de génie en termes de marketing car cela incite les personnes détentrices de l’implant cochléaire à acheter un IPhone. Pas d'inquiétude, les implants cochléaires fonctionnent aussi avec Android mais il y a moins de fonctionnalités.

Plusieurs fois, Elon Musk a clamé que Neuralink pourrait aider voire guérir les personnes handicapées 7. Ce n’est pas parce qu’il est lui-même concerné par le handicap 8 qu’il sait tout du handicap. Il faut savoir qu’il existe autant de handicaps que de personnes handicapées. C’est très difficile de prendre en compte chaque handicap, ses spécificités et de vouloir y pallier. Il y a des handicaps qu’on peut corriger, d’autres, c’est plus compliqué. L’implant cochléaire ne m’a jamais rendue entendante et n’a pas effacé ma surdité. Quand j’éteins mes processeurs, je suis dans le silence absolu, je n’entends rien. Quoi qu'il arrive, avec ou sans mes implants cochléaires, je suis et je reste sourde.

Aussi, des questions éthiques et morales se posent avec les défis technologiques qui nous attendent notamment avec l’intelligence artificielle, les données et la sécurité des dispositifs médicaux. Le prix aura aussi son importance. Très peu de personnes peuvent se le permettre surtout si les implants coûtent super chers.

A titre d’exemple en France, actuellement, l’implant cochléaire coûte entre 20 000 et 25 000 euros (opération, bilans pré et post opératoires, réglages, rééducation auditive, etc.). Le processeur à lui seul coûte 6000 euros. 9 La sécurité sociale prend en charge entièrement l’opération et le renouvellement du processeur. 10 Je ne paye que l’assurance (en cas de casse, de perte et de vol) et les accessoires. Les prix des accessoires peuvent être élevés. En revanche, les batteries et piles sont remboursables par la sécu. Je n’ose pas imaginer ce qu’il en est dans d’autres pays. Nous avons de la chance d’avoir la sécurité sociale en France. Sans la sécurité sociale, peu de personnes pourraient se le permettre.

Alors si on vendait Neuralink à un prix exorbitant, alors l’implant cérébral connecté ne serait accessible qu’aux élites comme c’est le cas avec les voitures Tesla, entreprise aussi dirigée par Elon Musk. Ce n’est pas parce que Neuralink a pour vocation d’aider des personnes que ce sera vendu à un prix moindre. N’oublions pas que nous vivons dans un monde capitaliste.

Transhumanisme

Grâce à l’implant cochléaire, je me considère bionique. Jamais je n’ai été autant connectée. Est-ce là, la frontière avec le transhumanisme ? Dans quelques années, j’aurai sûrement un nouveau processeur externe si les conditions le permettent. Je me demande quelle sera la prochaine prouesse technologique qui me rapprochera encore plus de cette frontière.

Je crois énormément aux bienfaits de la technologie au service de la santé et du handicap. La technologie pourrait aider un membre de ma famille dont on a récemment détecté la maladie de Parkinson. Elle pourrait bénéficier le moment venu des implants parkinsoniens qui lui permettraient de contrôler ses tremblements.

Si demain on me propose de mettre des prothèses bioniques ou d’autres implants, j’accepterais parce que je sais que la technologie au service de la santé fonctionne. Mais, ce ne sera pas à n’importe quel prix.

Pour rappel, le transhumanisme est un mouvement qui a pour but d’améliorer les capacités humaines, qu’elles soient physiques ou mentales, grâce à la technologie. 11

Dans un avenir proche, il est évident que le transhumanisme soulèvera des interrogations morales et éthiques. D’ailleurs, on aborde actuellement ces questions avec l’intelligence artificielle. Il est nécessaire de bien les réguler pour éviter les abus, les biais et les dérives, y compris le côté business. Si on réussit à le faire avec l’IA Act, on pourra le faire avec le transhumanisme.

Avec Neuralink, cela montre qu’on n’est pas si loin de la série Black Mirror et éventuellement de la série Years and Years de Russel T Davies. La série Years and Years, diffusée en 2019, suit la famille Lyons de Manchester sur une période de 15 ans, de 2019 à 2034, en explorant comment les événements politiques, économiques et technologiques affectent leur quotidien. Je suis tellement fan du personnage de Bethany Lyons, une jeune fille, qui explore son rapport avec la technologie et le transhumanisme en montrant les possibilités mais aussi les dérives.

Conclusion

Vous l’avez compris, Neuralink n’est pas le pionnier puisqu’il s’appuie sur les technologies existantes depuis des décennies. Il est, peut-être, le premier à proposer une interface cerveau-machine (ICM ou BCI pour brain-computer interface en anglais) sauf si d’autres entreprises, sans que nous le sachions, expérimentent déjà cette voie.

Neuralink pourra peut-être un jour répondre aux besoins des personnes handicapées mais il faudra du temps pour que ce projet se concrétise et fonctionne en collaboration avec les personnes concernées. Peut-être des années voire des décennies. Le temps et la recherche sont nos meilleurs alliés. Cela ne sert à rien de se précipiter ou de faire la course avec d’autres entreprises. Prenons le temps de bien perfectionner la technologie ICM pour qu’elle soit ensuite à la portée de tout le monde sans que ça soit invasif et risqué pour la personne parce qu’à l’heure actuelle, c’est invasif et risqué.


  1. Article “Comment ça marche ?” rédigé par Centre Implants auditifs sur Centre référent de La Pitié-Salpêtrière publié le 20 décembre 2021 Revenir au note n°1

  2. Cochlear Ltd. n’est pas la seule entreprise qui produit des implants cochléaires. On a aussi les entreprises Advanced Bionics (Suisse), MED-EL (Autriche), Oticon Medical (Danemark) pour en citer quelques-unes. Le marché des implants cochléaires est évalué à 1,5 milliard de dollars en 2022 selon le site Vantage Market Research. Revenir au note n°2

  3. Je vous invite à lire l’article Progrès de l’innovation en matière d’implants cochléaires dans la technologie des implants cochléaires, un regard vers l’avenir sur les prochaines innovations technologiques des implants cochléaires. On commence même à parler d’interface cerveau-machine (ICM). Revenir au note n°3

  4. Bien sûr, je me suis posé la question de la vie privée de l’implant cochléaire qui devient de plus en plus connecté. J’avais fait ma toute première conférence Les objets connectés liés à la santé portent-ils atteinte à la vie privée ? en 2018 à Paris Web. Revenir au note n°4

  5. Mon père possède encore Windows 10. Son ordinateur fixe ne supporte pas du tout Windows 11 et il est bien embêté de devoir acheter un nouveau PC pour avoir Windows 11. Revenir au note n°5

  6. Lire l’article Le premier patient implanté d’une puce témoigne de dysfonctionnements, malgré une expérience globalement positive sur Science et Vie. Revenir au note n°6

  7. Dès 2019, des doutes se sont exprimés de la part des chercheurs experts en neuroscience quant à la possibilité de la “guérison” des handicaps. Source : Elon Musk said his brain chips might ‘solve’ autisme and schizoprenia. A neuroscientist who implants brain chips has doubts (EN). Tout récemment, des chercheurs estiment dangereux de dire que Neuralink va ramener la vue aux personnes qui ont perdu la vue : l'implant de Musk remis en cause par des chercheurs. Revenir au note n°7

  8. Elon Musk a déclaré être Asperger, une dénomination obsolète du TSA (trouble du spectre autistique). Revenir au note n°8

  9. Source : Combien coûte un implant cochléaire ? sur VivaSon. Revenir au note n°9

  10. Les renouvellements d’implant cochléaire des différentes marques sont légiférés. Par exemple, voici le dernier arrêté du 28 juin 2019 portant renouvellement d’inscription des systèmes d’implants cochléaires NUCLEUS sur Legifrance. Revenir au note n°10

  11. Je vous invite à lire l’article Transhumanisme : qu’est-ce que c’est ? sur Futura Sciences qui explique ce qu’est le transhumanisme, les bienfaits, les dangers et les limites. Revenir au note n°11

Auteur·rice·x·s