On avait dit « plus jamais ça »

Au lendemain de l'investiture de Trump, une contributrice anonyme décide qu'il est temps de prendre la parole.

On avait dit « plus jamais ça » et pourtant, ça recommence.

En voyant les images de Musk qui faisait ouvertement le salut nazi deux fois, les souvenirs me sont remontés.

Quand les USA ont remis en cause les droits des femmes, je me suis indignée mais je me suis tue. Quand le 7 Octobre a eu lieu, j’ai pleuré mais j’ai continué à me taire.

Au lendemain de l'investiture de Trump, je décide de prendre la parole. Certes, anonymement, mais je prends la parole car je ne peux plus me taire.

Cet article sera publié le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. Tout un symbole.

Nous basculons doucement mais sûrement vers le fascisme. Trump et Musk ne cachent plus leurs ambitions. Zuckerberg veut plus « d’énergie masculine » et a supprimé le département DEI (Diversity, equity and inclusion) parce qu’il veut moins de diversité. Trump a également supprimé les politiques DEI dans les départements d'Etat 1.

Je vis en France, pourquoi je réagirais par rapport à ce qui se passe aux USA ? Parce que ce que font les USA impactent le monde entier.

Avons-nous oublié les leçons du passé ? Avons-nous oublié la Seconde Guerre Mondiale ? Avons-nous oublié la Shoah ?

Avons-nous oublié que des personnes juives ont été déportées ? Avons-nous oublié que des personnes tziganes ont été déportées ? Avons-nous oublié que des personnes homosexuelles ont été déportées ? Avons-nous oublié que des personnes handicapées ont été déportées ? Avons-nous oublié que des personnes qui ont osé résister face à la barbarie nazie ont été déportées ?

Des millions de personnes sont mortes à cause d’un nazi. Un fasciste.

Et voilà que tout recommence. Trump vient de signer un décret visant à restreindre les droits des personnes transgenres. Les USA ont déjà restreint les droits des femmes à l’avortement dans certains Etats. Les femmes meurent déjà.

N’oubliez pas la citation de Simone de Beauvoir :

« N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Cette citation pourrait s’appliquer aussi aux autres personnes opprimées : personnes handicapées, personnes racisées, personnes LGBTQIA+, personnes juives, personnes musulmanes et autres personnes issues d’autres minorités.

J’écris ce papier en mémoire de mon arrière-grand-père, déporté parce que juif. De mon arrière-grand-mère et son fils, déportés parce que juifs.

De mes grands-parents qui ont fait parti de la résistance parce que juifs et qui ont survécu à cette guerre pour nous raconter. De ma grand-mère qui a été une enfant cachée parce que juive et qui a vu sa mère et son frère déportés pendant la rafle de Vel d’Hiv.

Quand j’ai découvert mon histoire familiale et ai appris l’Histoire à l’école, j’ai toujours su que si j’avais vécu à cette époque, j’aurais eu toutes les chances d’être ciblée étant juive, handicapée et peut-être homosexuelle. Je ne suis pas homosexuelle mais j’ai des personnes proches qui le sont.

Comment vivre avec ça ? Comment vivre avec ces identités sachant que certaines personnes n’aiment pas des personnes juives, n’aiment pas des personnes handicapées, n’aiment pas des personnes homosexuelles voire même transgenres, n’aiment pas les personnes musulmanes, les personnes racisées et j’en passe.

L’antisémitisme est là. L'islamophobie est là. L’homophobie est là. La transphobie est là. Le racisme est là. Le validisme est là.

Comment aimer quand la haine pour l’autre est là ?

Arrêtons de haïr ou de discriminer l'autre personne juste parce qu'elle est différente ou parce qu'elle ne se conforme pas aux attentes de la société. Heureusement que nous sommes tous et toutes uniques. Si on se ressemblait des uns et unes des autres, on s'ennuierait. Nous sommes tous et toutes des êtres humains habitant sur cette belle planète.

Je porte l’héritage de mes deux grands-mères qui m’ont appris ce qu’était de résister et d’aimer. Ma grand-mère m’avait raconté à quel point elle avait peur de se faire prendre quand elle se baladait avec les affiches et prospects. Avec sa fausse pièce d’identité. Mais elle n’a jamais lâché. Sa force est en moi. Mon autre grand-mère a été cachée et vivait de la peur de se faire prendre. Après la guerre, elle n’a jamais dit un mot de haine. Elle a toujours montré de la gentillesse envers les personnes même envers celles qu’elle n’appréciait pas. Dans la religion juive, il y a un commandement qu’elle respectait profondément et que je respecte profondément aussi : « Aime ton prochain comme toi-même ». Oui, aimons son prochain même si cette personne est différente.

C'est pourquoi vous n’aurez jamais ma haine 2 et je continuerai à aimer et à résister dans l’ombre.

Parce qu’on avait dit : « plus jamais ça » et, pourtant, ça ne fait que recommencer.


Références et notes

  1. Et depuis que ce texte a été écrit, la liste des éléments, qui nous font basculer vers le fascisme, s'est allongée de beaucoup. Les derniers actions en date : censurer les mots et les livres. Revenir au note n°1

  2. Le texte du journaliste Antoine Leiris, publié en 2016, suite aux attentats de Paris le 13 novembre 2015, quand je l'ai lu, m'a beaucoup parlé. Ses mots ont trouvé écho en moi. Revenir au note n°2

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